Réflexions sur la place de la laïcité pour demain

« Entre le respect des libertés fondamentales et l’expression croissante des comportements communautaires, quelle place pour la laïcité de demain ? »

Commençons par définir ce que sont les libertés fondamentales. Elles représentent l’ensemble des droits primordiaux pour l’individu, assurés dans un État de droit et une démocratie. Elles recouvrent en partie les droits de l’homme. Une première approche consiste à considérer que sont fondamentaux les droits et libertés qui sont inscrits dans le plus haut niveau juridique c’est-à-dire ceux qui, dans l’échelle des normes, sont au-dessus des simples lois.

Ils sont inscrits dans la Constitution, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la Charte de l’environnement (intégrée en 2005 dans la Constitution) et les principes fondamentaux auxquels tous ces textes renvoient. Le Conseil Constitutionnel en est le garant.

On peut les classer en plusieurs catégories :

  • Les droits inhérents à la personne humaine établis pour l’essentiel dans la déclaration des droits de l’homme de 1789 : l’égalité, la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression

  • Les droits qui sont les conséquences des précédents : du principe d’égalité, par exemple, découlent le suffrage universel, l’égalité homme-femme, l’égalité devant l’impôt, devant la justice, devant la loi

  • Le principe de liberté induit l’existence de la liberté individuelle, de la liberté d’opinion, de la liberté de réunion, de la liberté de culte, le droit de grève

  • Le droit à la sûreté suppose l’interdiction de l’arbitraire, la présomption d’innocence, le respect des droits de la défense, la protection des libertés individuelles par la justice.

  • Enfin, il y a les droits dits « de 3ème génération » qui affirme le droit de chacun de « vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » et qui consacre la notion de développement durable et le principe de précaution.

Il faut également rappeler, selon l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, que ces droits et libertés fondamentales n’ont comme limites « que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits « .

Force est de constater que ces libertés ou droits fondamentaux sont inscrits dans des textes qui ne peuvent être modifiés que par le peuple, soit directement par un référendum, soit par leur représentant réunis en congrès.

La liberté de culte est l’une de nos libertés fondamentales. Cela suppose que chaque individu a le droit de pratiquer la religion de son choix tout en rappelant qu’elle s’arrête là où celle des autres individus disposent du même droit de pratiquer la même religion ou d’en pratiquer une autre mais aussi de ne pas en pratiquer du tout. Ce principe a été fixé en 1789 et figure tout en haut de la pyramide des lois. Entre 1789 et 1905, la religion dominante du moment, le catholicisme, occupait une place importante dans notre société et la relation des citoyens aux religions présentes durant cette période ne permettait pas ni une égalité des citoyens dans l’accès à la religion de leur choix ni une égalité de traitement par l’Etat de ces mêmes religions. Il a fallu la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat pour installer toutes les religions à égale distance du citoyen.

La loi de 1905 concerne l’Etat c’est-à-dire l’organisation collective que nous nous sommes donnés et les règles qui régissent les relations de l’Etat avec les religions.

Il n’est donc pas surprenant que des citoyens au nom de leur liberté individuelle soient tentés d’aller au-delà de leur espace privé et viennent empiéter sur l’espace des autres citoyens, volontairement ou involontairement.

Nous savons tous qu’il est très difficile de faire respecter son espace de liberté face à celui des autres citoyens qui disposent des mêmes droits. C’est le rôle de l’Etat que de le faire respecter. C’est d’ailleurs l’une de ses missions fondamentales. Il était donc important que s’agissant de faire respecter la liberté de culte, l’impartialité de l’Etat ne puisse jamais être prise en défaut et c’est l’un des rôles de la loi de 1905.

Cette loi a consacré en ce temps-là le renoncement de la religion catholique, à toute ambition politique. Il se pose aujourd’hui, avec l’islam cette même question que de l’obliger à renoncer à toute perspective politique sur la vie de la Cité. SI certains en doutent ou ne veulent pas le voir, il suffit d’observer l’émergence de candidats à des élections territoriales rassemblés sur des listes qui présentent et défendent un projet politique directement inspiré par le dogme religieux. Les citoyens qui acceptent que leur religion intervienne dans le champ politique se retrouvent dans une vision communautaire de notre société. Dès lors que les citoyens se regroupent en communauté pour se donner des règles particulières et que ses mêmes règles viennent heurter celles que nous nous sommes donnés collectivement alors les conflits naissent. Seul un Etat fort peut imposer le respect de nos règles communes quitte à devoir se heurter au groupe qui les refuse.

Face à ces comportement, la tentation existe pour certains de vouloir favoriser et instrumentaliser ces comportements communautaires. il peut être tentant d’intégrer dans des calculs électoraux ces tendances au repli communautaire avec comme conséquence des décisions qui mettent à mal le principe de laïcité. Ainsi, vouloir faire des représentants des communautés des interlocuteurs de l’Etat revient à s’adresser aux citoyens qui se reconnaissent dans ces communautés par le filtre de leurs représentants. Dès lors, le risque d’enfermer les individus dans leurs appartenances est important et constitue une menace pour nos libertés individuelles.

La confusion des débats autour de la laïcité provient de la confusion entre l’Etat qui doit être neutre et le citoyen qui ne peut pas l’être. Cette confusion vient également du fait que la laïcité est utilisée comme paravent dans le combat politique mené par l’extrême-droite,

Il ne faut pas assigner à la laïcité un objectif qu’elle ne peut pas atteindre. Il n’est pas du rôle de la laïcité que d’empêcher une religion de vouloir jouer un rôle politique dans la société. Historiquement, quand la loi de 1905 a été votée, les religions présentes n’avaient plus de prétention à jouer un rôle politique. Tant que l’islam n’aura pas été « dépolitisé », il régnera une confusion dans la place et le rôle de la laïcité. Il y a d’un côté à mener un débat dans notre pays sur le projet politique porté par cette religion et toutes celles qui veulent s’immiscer dans le domaine temporel et c’est sur le terrain politique, celui des valeurs de liberté et d’égalité que ce débat doit avoir lieu. D’un autre côté, toutes les religions, l’islam et toutes les autres, doivent être respectées et traitées de la même manière. Chaque citoyen doit avoir la liberté et la possibilité de pratiquer la religion de son choix.

F I N